Les SIG historiques (SIGH) forment une discipline exigeante qui présente plusieurs défis. Dans le meilleur des cas, la sélection, la numérisation, le géo-référencement et la vectorisation des matériaux historiques appropriés pour un projet nécessitent un investissement long et ardu en temps et en argent. L’importance de cet investissement motive les chercheurs à trouver des données déjà traitées et disponibles pour leurs projets.
Alors que la recherche dans les sciences humaines et sociales évolue, il est clair que d’identifier ceux et celles qui ont déjà accompli le travail de numérisation de ce qu’on veut numériser devient une étape importante du processus académique. Entrer en contact avec les autres chercheurs impliqués dans les mêmes champs devient probablement plus important que jamais à l’ère où la numérisation du matériel n’occupe qu’une partie d’un projet numérique.
Il devient extrêmement important d’éviter de dupliquer le travail à bien des égards. L’obtention de fonds publics pour entreprendre de la recherche numérique n’est jamais assurée, et ces fonds se font rare. Il devient nécessaire d’assurer l’efficacité du monde académique en ne dédoublant pas les efforts.
Se connecter à d’autres chercheurs et former des partenariats est désormais nécessaire pour la plupart des recherches numériques. Cette situation m’a été confirmée à nouveau récemment lors des présentations et des discussions pendant des rencontres de deux jours auxquelles j’ai participé la semaine dernière avec des historiens, des géographes et des bibliothécaires.
Lors de l’atelier Digital Mapping du Jackman Humanities Institute, intitulé « Mapping Sense, Space, and Time » (https://www.humanities.utoronto.ca/event_details/id=2144) le 28 avril, pendant la séance intitulée Collaboration Across Boundaries, des présentations par Caroline Bruzelius de l’Université Duke et Natalie Rothman de l’Université de Toronto à Scarborough m’ont rappelé pourquoi notre groupe a soumis une demande au CRSH afin de créer ce partenariat en SIG historique.
Dans sa présentation intitulée « Visualizing Venice: The Life and Times of a Digital Collaboration », Bruzelius a énuméré sept éléments nécessaires pour que la connaissance numérique puisse progresser. Certains des points qu’elle a mis de l’avant ont une résonance particulière pour moi.
Elle a proposé dans son premier point que les chercheurs doivent être formés pour une diversité d’outils informatiques. Ceci implique que les chercheurs ne deviendront pas des experts dans la plupart de ces technologies, mais cela mène toutefois à une meilleure recherche en posant des questions différentes et en réfléchissant différemment suite à une enquête variée.
Je crois qu’il est important, alors que nous développons notre partenariat, de nous rappeler que les SIG ne sont qu’un outil parmi ceux que les historiens et les géographes utilisent pour raconter des histoires géospatiales et temporelles. Les SIG doivent être associés à d’autres outils pour permettre une pleine compréhension du sujet à l’étude et pour diffuser notre analyse et notre discours.
Bruzelius a aussi discuté de l’importance des bases de données ouvertes et partagées et du travail réalisé dans le domaine jusqu’à maintenant. À nouveau, c’est un enjeu que le partenariat canadien en SIGH juge être l’un des plus importants pour développer une communauté d’usagers et de praticiens au Canada. En identifiant et en aidant à la découverte de données historiques géospatialisées, nous espérons aider à éviter le dédoublement et concentrer les efforts de manière plus efficace.
La professeure Rothman a fait écho à l’ouverture et au partage des bases de données dans sa discussion sur la construction du site web Serai lors d’une présentation intitulée « Building the Serai Collaboratory ». Serai est une plate-forme gratuite et ouverte de travail en collaboration pour la recherche sur les rencontres à travers les fossés ethnolinguistiques et religieux à l’aube de l’ère moderne (avant le 16e siècle). Serai souhaite devenir un agrégateur de l’interaction à travers la frontière dans le monde moderne.
Un autre point important amené par la professeure Bruzelius lors de sa discussion est que les humanistes ont besoin de mieux raconter au public ce qu’ils font et qu’ils devraient le faire non seulement en publiant dans les revues savantes, mais aussi en rendant leur travail accessible à un public plus large.
Dans notre partenariat, il était clair dès le départ que nous avons besoin de contributions du public. La cartographie historique et les SIG ne sont plus réservés aux chercheurs universitaires. La demande du public pour des cartes historiques et des données numérisées est devenue évidente pour moi lors du développement du Don Valley Historical Mapping Project (http://maps.library.utoronto.ca/dvhmp) et du Ontario Historical County Maps Project (http://maps.library.utoronto.ca/hgis/countymaps). Suite au lancement des deux projets, nous avons vu une demande importante pour plus d’information et plus d’accès aux cartes et aux données générées à travers ces initiatives. Une semaine ne passe pas sans qu’une personne me demande des images haute résolution des cartes historiques des comtés de l’Ontario.
Étant donné que le public désire accéder aux sources et aux données de cartographie historique, nous avons inclus dans notre partenariat initial une participation publique à travers The Toronto Green Group, the Neptis Foundation, ESRI Canada, et plusieurs bibliothèques de recherche. Plusieurs autres organismes publics vont, nous l’espérons, se joindre à nous au fur et à mesure que le partenariat se développe.
D’un point de vue pratique, le CRSH a aussi indiqué clairement que les partenariats avec le public sont importants lorsqu’on soumet des demandes de subvention. Nous ne devons pas voir cette exigence comme un fardeau, mais plutôt comme une occasion pour les groupes communautaires et les individus de nous aider à développer de meilleurs projets à travers leurs expériences et en nous permettant d’apprendre de leurs informations numérisées et de leurs besoins en données.
Un des points amenés par Nathalie Rothman à propos des collaborations Serai a aussi résonné chez moi. La professeure Rothman propose qu’il est difficile de soutenir des projets numériques tels que ceux présentés lors des ateliers JHI à long terme sans la participation des bibliothécaires. Ce point a aussi été renforcé dans une autre présentation pendant cet événement par le professeur Steven Bednarski de l’Université de Waterloo, qui s’appuie sur le travail du bibliothécaire Zack MacDonald pour la cartographie numérique de son travail sur les changements climatiques et paysagers dans l’Angleterre médiévale.
Je suis d’avis que c’est là où notre partenariat a bénéficié d’un bon départ. Non seulement notre équipe est-elle formée de spécialistes des sciences humaines et sociales, mais elle est remplie d’un groupe de bibliothécaires actifs partout au pays. Les cartothécaires universitaires (cartes et SIG), et désormais les bibliothécaires en humanités numériques, ont tendance à être des spécialistes. Non seulement peuvent-ils supporter les projets numériques grâce à l’archivage à long terme, mais ils peuvent aussi, dans bien des cas, contribuer aux travaux académiques de plusieurs projets.
Plus tôt en avril, lors des rencontres annuelles du groupe Geo du Ontario Council of University Libraries’ (OCUL), une discussion m’a amené à me rappeler pourquoi notre équipe a lancé ce projet de développement de partenariat. Dans ce forum, où tous les cartothécaires et bibliothécaires SIG de différentes universités se rencontre pour discuter d’enjeux communs à travers la province, j’étais frappé par les ressemblances des discussions avec celles que nous avons dans notre partenariat. Non seulement devons-nous aussi composer avec les exigences de la recherche numérique et du développement de projet, mais nous devons aussi composer avec nos approches pour rendre notre travail visible au public.
En 2015, le groupe Geo a demandé et obtenu du financement de la direction d’OCUL pour numériser et géoréférencer les cartes topographiques historiques fédérales de l’Ontario aux échelles 1:25,000 et 1:63,600 conservées dans nos collections. Ce projet achève et la plupart des cartes ont été traitées à l’Université McMaster, l’Université Ryerson, l’Université de Waterloo, l’Université Western, et l’Université Carleton. La partie intéressante de la discussion entourant ce projet était que le groupe sentait qu’il serait bien de s’associer à un autre organisme pour développer un outil de diffusion. Cet outil rendrait les données disponibles non seulement aux institutions OCUL, mais aussi au reste du monde, surtout en tenant compte de la demande du public pour des cartes et des données historiques.
De même, le groupe a longuement discuté des enjeux associés à l’intérêt croissant concernant la gestion des données de recherche pour les données géospatiales créées dans les universités. Un des points mis de l’avant était qu’il est difficile de rendre les données — une fois qu’elles sont intégrées dans un système de gestion — découvrables et accessibles au reste du monde. Ceci est une inquiétude croissante alors que toutes les institutions vont probablement construire leurs propres dépôts en utilisant une variété de technologies afin de répondre à une demande croissante. En construisant ces dépôts, est-ce que la découverte des données et l’intéropérabilité sera requise? Nous n’en sommes pas certains. Si la découverte n’est pas à l’avant-scène des spécifications techniques encadrant la construction de ces dépôts, une grande partie du travail réalisé par les chercheurs et par les bibliothécaires pour construire ces dépôts pourraient être perdus s’il n’y a pas de systèmes qui créent des liens à travers une diversité d’institutions et emplacements afin de permettre l’interaction entre les outils de recherche.
Une partie de l’argumentaire sous-jacent à notre partenariat est d’étudier les outils de découverte qui peuvent interagir et qui permettront d’éviter les dédoublements. ESRI Canada est en partenariat avec nous et nous espérons que, suite aux deux années de cette subvention, nous serons en position de recommander des outils de découverte de données qui pourront s’interconnecter pour une visibilité maximale et qui assurera la viabilité et la réutilisation des données.
Il est réassurant de savoir que les communautés académiques et bibliothécaires ont toutes les deux des discussions semblables sur les sujets de partenariat et de découverte de données. Il est aussi réassurant que l’objectif et les besoins identifiés en construisant ce partenariat canadien l’an dernier sont les mêmes que ceux exprimés par les deux communautés.
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